Gaston DEIHL
En dépit des multiples et pénibles circonstances qui lui ont été imposées au long de son existence, Jumana El Husseini est parvenue à surmonter de telles épreuves par son besoin de création artistique ou elle ne laissera filtrer qu'une paisible démarche, une suave et rayonnante euphorie.
Je n'en veux pour preuves que les quelques témoignages, également présentes ici, sur des activités antérieures, sur sa quête intérieure inlassablement poursuivie, que vous découvrirez avec ravissement. En pleine lucidité, elle a pris le temps de rechercher les moyens d'expression qu'elle avait alors a sa portée. Ainsi, pour mieux se soustraire aux dures contingences quotidiennes qu'elle doit affronter durant des années, elle préfère s'évader dans d'harmonieuses cites de rêve ou, par la suite, dans des compositions plus structurées qu'elle décrit minutieusement au pinceau. Aux pires moments, pour échapper a l'attente des événements et des déplacements douloureux, elle s'astreint à l'interminable et patient labeur, dans des broderies-tapisseries, du jeu de l'aiguille et des fils entremêlés de coton ou de soie. D'instinct, tandis que s'écoulent les ans, elle retrouve les gestes ancestraux, les motifs et dessins des costumes populaires d'une tradition en train de se perdre. 
Ces dernières années, balayant retenue ou hésitations, et profitant enfin d'un havre de paix a Paris âpres des expositions saluées avec succès aux Etats-Unis, elle s'est avidemment lancée dans un langage pictural qui la satisfasse pleinement. Elle éprouve en fait la nécessité d'oublier tourments et appréhensions du passe, de se sentir totalement dans l'heureuse jouissance de sa propre liberté, reconquise non sans mal.
De manière inattendue, remarquable, par rapport a ses précédents efforts, son élan créatif se dénoue spontanément, s'affranchit des contraintes, dépasse les seuils difficiles, s'épanouit sans peine, s'ouvre a une radieuse vision fleurie, aux subtils et délicats enchantements.
Dosant habillement techniques et ingrédients, faisant appel tour a tour a l'huile, aux crayons et pastels, elle réussit sans nul doute, en accentuant l'aspect général ouate, presque diaphane, la suavité du matériau, a nous transporter dans quelque étendue imaginaire ponctuée d'illusoires fragments urbains ou de mystérieuses ouvertures. L'air, fluide, évanescent, azure ou rose, circule partout au sein de brefs rappels de la nature ou de fausses écritures chères aux traditions arabes. Quelques traces ou signes aux tonalites contrastées ponctuent et animent ces espaces aux allures démesurées, mais n'en invitent pas moins, malgré leur appréciable ampleur, tout spectateur à se référer a une certaine intimité, a approfondir la réflexion spirituelle. Car en fait les souvenirs dilues sont toujours présents, même s'ils paraissent sur le point de s'évanouir, de se dissocier en fragments peu discernables et prêts à se confondre. La luminosité rayonnante, omniprésente, transfigure une partie de cet ensemble, lui confère un impérieux attrait en le dotant d'une rare ambiance de fragilité et de tendresse. Au spectateur d'interpréter a sa convenance cette impressionnante, cette insolite douceur de vivre. Une pareille tentative ne répond-t'elle pas a la vocation de l'art?
 Un choix est d'ailleurs laissé, dans cette remarquable évocation poétique, a ceux qui préfèrent les nocturnes énigmatiques, les cieux chargés de sourdes menaces, les nuées aux sombres dégradés, les trouées obscures traversées par une lente montée lumineuse. Car les noirs ou les terres conservent quelque féerie inattendue, susceptible de faire oublier d'anciennes craintes ou regrets, afin d'entrainer le regard inquiet vers des zones ou scintille l'espérance.
Indéniable réussite de la part de cette artiste, fort connue ailleurs, qui a su renouveler courageusement son mode d'expression antérieur qui lui valut maints succès, afin de mieux nous transmettre aujourd’hui son message de confiance, de douce spiritualité malgré les incertitudes des lendemains. 
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